J’ai lu beaucoup de choses concernant l’argent des mamans solos. Ces choses m’ont donné envie de réagir. Avant de partager mon témoignage publiquement, j’en ai parlé avec une maman à la sortie de l’école. Je lui ai raconté ce qu’étais ma situation actuelle en réalité. Et surtout de ce que je suis en train de traverser.  Le divorce, la lutte pour survivre, mes peurs. Elle était très choquée par ce que je lui ai confié.  Elle m’a répondu que les autres parents supposent simplement que je mène une vie tout à fait banale.  Parce que je suis « belle et en forme », d’apparence. Les gens ne s’attendent jamais à ce que ma vie réelle soit aussi difficile que cela. Parce que je n’en parle pas.

Eh bien, j’aimerais simplement témoigner pour que tous ceux qui me lisent gardent à l’esprit que les mamans solos veulent maintenir une apparence. Elles sont pleines de décence et de fierté. En tout cas, celles que je connais. Et moi aussi.

Nous vivons dans une société qui rend honteuses les personnes qui vivent dans la lutte financière. Il y a beaucoup de stigmates liés à cette situation. Surtout si on est une maman solo. Pour les papas il y a plus de compassion je trouve.  Peu importe votre histoire, ou la difficulté de votre situation. Si vous n’avez pas d’argent, il y a beaucoup de gens qui jugeront toutes vos démarches. Et on vous reprochera d’être un poids pour la société.

Mon tableau noir:

Comme dans beaucoup de familles monoparentales ou non, j’ai moi aussi un tableau noir dans la cuisine. Ce type de tableau ou vous marquez à la craie les ingrédients qui vous manquent pour concevoir vos repas de la semaine. Je vous une véritable haine à ce tableau. Alors que je rentre à peine des courses, j’efface mes achats. Et une nouvelle liste est juste devant mes yeux. C’est comme si je n’étais jamais allée faire mes courses.

L’alimentation de trois enfants coûte cher. Si je vais au supermarché et que j’y dépense moins de 80 euros, je me surprend moi-même. En moyenne, c’est presque 100 euros par semaine qui partent dans les commissions.

Pourtant je fais extrêmement attention. J’achète seulement des produits sans marques.  Souvent en vrac et en hard discount. Et j’achète rarement d’articles dont je pourrais me passer comme les biscuits ou le soda. Je ressens une énorme de culpabilité parce que je ne peux me permettre d’acheter que de la viande la moins chère. Je sais que la qualité est moindre, mais je n’ai absolument pas le choix.

Les courses en supermarché:

Aller au supermarché est une expérience très stressante pour moi. Avant d’entrer, je regarde attentivement ma liste et je tente de barrer quelques articles. Je vérifie mon portefeuille et mon compte bancaire via mon application sur mon portable. Je prie pour qu’elle soit à jour. Pour être sûre que ma carte passe à la caisse. Des fois je retire des espèces pour être certaine de ne pas avoir honte devant les caissiers et devant les autres clients. Au cas ou ma carte ne passerait pas.

En parcourant les allées, je regarde bien tous les articles à la recherche de la meilleure affaire. Pendant longtemps je me suis même passée de thé le matin. Je ne pensais pourtant pas qu’un jour je puisse m’en passer. Et ça ne coûte que quelques euros. C’est juste pour vous donner une idée…

Pendant que je met mes articles dans mon panier, je calcule mentalement à combien j’en suis. J’ai la hantise des erreurs d’étiquetages ou des erreurs de calcul. J’ai peur de me faire distraire et ainsi de perdre le compte. Et je finis invariablement par poser mes articles sur le tapis roulant de la caisse mécanique. Et par payer. Là encore j’ai honte. Car que je paie en espèces ou par carte, j’ai l’impression que tout le monde voit que je suis pauvre. Soit parce que je donne juste le compte en monnaie. Ou encore parce que je ne pars pas sans mon rendu- monnaie même quand il est très faible. Ou parce-que je tremble en tendant ma carte.

L’argent me fait peur:

Nous avons tous une relation particulière avec l’argent, souvent héritée de l’enfance. Je connais des personnes très économes même s’ils en ont beaucoup. Et puis il y a ceux qui ont peur de dépenser et j’en fais partie. C’est parce que nous ne savons pas si la prochaine fois ou nous devrons aller au supermarché, nous aurons de l’argent disponible sur notre compte pour le faire.

Je pense à l’argent tout le temps. Je pense aux factures qui doivent être payées. Et je n’en dors plus la nuit. Je pense aussi à ce dont mes enfants ont besoin ou pourraient avoir besoin. Je sais que je gagne moins que ce dont nous avons besoin. Alors chaque jour je dois faire de nombreux choix. Et j’ai des frais de découvert. Et aussi des avis d’annulation de commande ou même des avis d’huissiers.

Chaque instant  de ma vie, je le vis avec un lourd sentiment de défaite. Et une peur panique de l’échec.

Des fois, je n’ai pas l’argent pour payer le bus scolaire de mes enfants et je dois leur demander de beaucoup marcher. Des fois je suis en retard sur le paiement de la cantine. Souvent je ne répond pas au téléphone de peur d’être relancée pour payer quelque chose. Pourtant mes amis les plus proches  et mes enfants voient combien je travaille dur. Je fais de mon mieux et je me sens encore inutile.

Des fois je perds mon élan. Je me dis que la vie est une bataille et que je n’ai plus la force d’aller de l’avant. Mais je me met aussi des coups de pieds aux fesses régulièrement.

Nous les mamans solos, on peut toutes lutter derrière un sourire

Tant de personnes m’ont prédit une issue positive à mes ennuis. Et je leur dit merci pour cela. Car je le mérite. Je ne suis pas le genre de femme à rester assise en attendant que la magie opère. Au fur et à mesure que le temps passe, je relève la tête.

Dans les yeux de ces personnes, je me sens forte et respectable. Je le suis réellement. Mais ils ne savent pas que je lutte autant au quotidien, et que ça je ne le partage pas.

Récemment, on m’a proposé un nouvel emploi, mieux rémunéré. Si cela se fait, ce sera une belle étape pour moi. Si cela ne se fait pas, je continuerais à courir les agences pour l’emploi et les cabinets de recrutement

Chaque jour est un test en ce moment. Chaque instant, je veux me montrer digne d’une réussite future. C’est comme si j’étais tout le temps en concurrence avec le calendrier de ma vie. J’essaie de le rattraper, aussi rapidement que possible, de toutes mes forces.

Pour aller plus loin, vous pouvez lire l’ensemble de nos articles de notre section témoignages. Ainsi que nos conseils pour concilier famille et emploi.